Sur le devoir de mise en garde de la caution à l’égard de la sous-caution
A la lumière de l’arrêt de la Cour de cassation du 2 avril 2025 (n°23-22.311)
Les faits :
Pour financer l’acquisition d’un fond de commerce, la société CAPEVE 2 a contracté un prêt de 125 600 euros auprès de la banque CIC EST, garanti par le cautionnement de la société KRONENBOURG, au profit de laquelle Monsieur F s’est lui-même rendu caution.
A la suite de la défaillance de la société CAPEVE 2, la société KRONENBOURG a honoré son engagement de caution et a été contrainte de rembourser le prêt.
La société KRONENBOURG a ensuite diligenté des mesures d’exécution contre Monsieur F.
Monsieur F a assigné la société KRONENBOURG en paiement des dommages et intérêts, pour défaut de mise en garde.
La procédure :
Après avoir perdu en première instance, Monsieur F a interjeté appel.
La Cour d’appel a rejeté ses prétentions.
Monsieur F a donc formé un pourvoi en cassation.
La problématique juridique :
La caution est-elle tenue d’un devoir de mise en garde à l’égard de la sous-caution ?
Réponse de la Cour de cassation (arrêt du 2 avril 2025, n°23-22.311) : non.
Sens et portée de l’arrêt de la Cour de cassation :
La Cour de cassation a jugé, au visa des articles 2291 (ancien) du Code civil, que :
« La sous-caution ne garantit pas la dette du débiteur principal envers le créancier, mais la dette de remboursement du débiteur principal envers la caution qui a payé à sa place le créancier.
Il en résulte que la caution, qui n’est pas le dispensateur de crédit, n’est tenue d’aucun devoir de mise en garde à l’égard de la sous-caution sur le risque de l’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur. »
Après avoir rappelé la définition de la notion de sous-caution : il s’agit d’une personne qui garantit à une caution le remboursement de ce qu’elle peut payer au débiteur principal. Autrement dit, la sous-caution garantit uniquement le recours personnel de la caution à l’encontre du débiteur principal. Il s’agit donc d’une contre-garantie.
Pour pouvoir actionner la sous-caution, la caution doit prouver qu’elle a bien payé la somme réclamée par le créancier principal, puis justifier de l’infructuosité de son recours à l’encontre du débiteur principal.
En remboursant la somme avancée par la caution de premier rang, la sous-caution peut ensuite se retourner contre le débiteur principal pour se faire rembourser la somme qu’elle a versée à la caution principale.
La Cour de cassation a estimé que la société KRONENBOURG qui n’était pas un établissement de crédit donc pas un préteur, n’était pas tenu d’une obligation de mise en garde à l’égard de la sous-caution. Les obligations du préteur ne sont pas transférées à la société KRONENBOURG.
Important, la réforme du 15 septembre 2021 a créé un nouvel article 2299 du Code civil qui impose, en principe, à tout « créancier professionnel » un devoir de mise en garde, qu’il exerce ou non dans le domaine du crédit.
La portée de cet arrêt de la Cour de cassation pourrait donc être remise en cause par ce nouvel article 2299 du Code civil.
Eu égard à la généralité des termes du nouvel article 2299 du Code civil, la pérennité de la solution ici rendue sur le fondement du droit ancien reste compromise.
A moins que la Cour de cassation continue de restreindre, sur le fondement du droit nouveau, le devoir de mise en garde aux seuls créanciers dispensateurs de crédit, en sorte qu’une caution dont l’activité professionnelle est autre resterait, ainsi qu’en l’espèce, libre de ne pas mettre en garde sa sous-caution.
Autant d’interrogations soulevées par l’arrêt rapporté, auxquelles la jurisprudence à venir viendra certainement répondre.
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Article du 13 juin 2025
Pauline SIX
Avocat en Droit des affaires et civil

